jeudi 10 avril 2008

Renoncer à toujours et à jamais


Résidence alternée.
C’est le terme administratif pour désigner ce que vivent certains enfants de divorcés. On pourra me reprocher de ne pas voir que chaque parent dispose ainsi d’une semaine pour lui. Oui, et alors ? On n’a pas un enfant pour le voir grandir à mi-temps et vivre une vie d’adulte le reste du temps. L’un n’empêche pas l’autre, l’un est l’autre, l’un dans l’autre.
D’autres me diront que je regrette par ces mots une hypothétiquement belle vie d’avant. Certes non. On ne reste pas quand l’autre impose de vivre ce qu’on me demandait de vivre. Aucun regret. Pas le choix.
Comme tout divorcé, j’ai ajouté deux mots nouveaux et fortement symboliques à mon vocabulaire, c’est la vie que me les a appris : toujours et jamais. Le sens de deux mots qui n’existent pas. On peut les écrire, les dire, les rire ou les chanter, ces mots n’existent pas. Ils n’existent plus. Pas même soufflés dans les cheveux sur un oreiller. Pourtant, on ne renonce pas à aimer pour toujours, à tout jamais. Je n’y renonce pas. A espérer vivre, vieillir et mourir auprès de quelqu’un. Faut il payer ?
Toujours et jamais, le sens de ce qui n’en a pas.
Et pourtant, cette “résidence alternée”, c’est le seul sens que peuvent posséder ces deux mots. Au mieux, le mieux sera toujours ce mi-temps affectif, cette demi-vie de famille. Il n’en sera jamais autrement. La vie sera à vie rythmée par l’aternance des semaines, traits rouges sur le calendrier qui entourent les dates pleines, et la répétition chaque quinzaine de la séparation, du départ, de l’au-revoir qui tord le ventre et mouille les yeux quand il inonde le cœur. Pire, pour les enfants, eux qui n’ont rien demandé d’autre que de vivre une vraie vie, cette séparation, ils la vivent et la répètent chaque semaine. Quitter un parent pour se réjouir de retrouver l’autre. Ils n’en parlent jamais, mais le disent à demi-mots, le soufflent à mi-voix, ça doit être terrible. Reformuler chaque semaine la loyauté que l’on a pour chacun de ses deux parents.
Parce qu’ils n’auront jamais de vie de famille. Parce que même cicatrisées par le temps qui passe et le temps passé, ces blessures seront toujours en eux. En nous.
Petit Prince et Petite Princesse, mes p’tits loups, pour toujours et à jamais.

Photo : porte de jardin potager, Albi

6 commentaires:

zabeau a dit…

très originale cette porte !rafistolée, de guingois, colmatée.....comme la vie parfois, souvent ou toujours...

Fabien a dit…

Oui, c'est vrai que la vie peut parfois, souvent, toujours, ressembler à un bric-à-brac branlant qui s'effondre au premier coup de pied.
Mais il y a aussi des portes solides derrière lesquelles bâtir les bonheurs les plus grands et les plus forts. Du moins, il faut s'attacher à y croire.

Galileo a dit…

Connaissant bien ce mode de vie en alternance, je pense qu'il y a tout de même du positif à retirer de cette situation pour les enfants... mais à la seule condition que les parents aient bien cicatrisé toutes leurs blessures.

Fabien a dit…

Certes, le positif pour les enfants, c'est d'abord une relation exclusive, même fragmentée, avec chacun des deux parents. C'est de ne pas faire les frais d'une relation de couple invivable. C'est aussi deux fois plus d'anniversaires, de cadeaux, de vacances. C'est vivre deux modes de vie différents et s'y construire.
Certes, cela oblige les parents à communiquer pour ce qui concerne les enfants. Ca oblige les parents à ravaler leurs rancœurs. Mais c'est tout-à-fait faisable. Et cela rappelle aux enfants qu'ils sont les enfants de deux parents.

Anonyme a dit…

Et puis des fois ils deviennent complétement heureux dans la séparation de leurs parents. Et ils arrivent aussi à vivre une vie de famille et à s'ouvrir comme des fleurs....et, et, et ces fois là on se dit que la séparation a eu du bon, même pour eux.

Fabien a dit…

On les voit heureux, parce qu'ils le sont, et que le bonheur des parents est aussi source du leur.
Alors, faut continuer.