Coup de vieux et grosse fatigue

On vieillit du temps qui passe, du temps qui se dilate ou se contracte, des accidents de la vie, du temps vécu, du temps qui remue, du temps qui voudrait être. Des souvenirs qu'il faut taire. De cette mémoire qu'il faut tenir à distance. Des coups reçus, des coups donnés, des reproches adressés ou reçus. C'est toujours injuste, un coup ou un reproche. Ca fait mal, ça dit la colère, ça ne fait pas avancer.
On retrouve ses quinze ans un jour et on en a cent le lendemain. On nous donne tour à tour quinze ans, puis cent et plus. Pour longtemps.

Grosse fatigue du prof' principal dont les élèves pètent les plombs.
Celui qu'on félicite, parce que devant "L'extase de Thérèse d'Avila" du Bernin, il s'écrie
- Whah, ça pète !
Ben c'était bien l'effet recherché par le Bernin et la Contre-Réforme, non ?
C'est le même qui sort un tournevis dans le cours suivant. Qui l'agite devant le collègue, refuse de le lui donner.

Celui qui arrive une heure plus tôt, et qui répond au surveillant qui lui demande ce qu'il fait là
- Ben, je viens vous faire chier.
Et quand le patron lui demande, dans son bureau, entre quatre yeux, de s'engager à se calmer pour le mois qui reste
- On verra
- On verra quoi ?
- Ben, selon la météo.

Celui dont je reçois les parents, un dossier de rapports d'incidents gros comme une demande d'APL à la main, extincteurs percutés, cloison enfoncée, refus de faire une évaluation ou d'ouvrir son cahier, exclusions de cours répétées.
- Bon, Romain, tu pourrais peut-être nous expliquer pourquoi on est là, toi, tes parents et moi ?
- Ben, pour remplir ma fiche d'orientation.
…
- Tu avais préparé le contrôle de ce matin ?
- Ben non, vous l'aviez pas dit !

Dans ces cas là, il faut se mordre la joue, penser très fort à ses enfants ou à quelqu'un qu'on aime, à ses fins de mois, au temps qui oscille entre un beau 11 novembre et les cavaliers de mars, au frites qui nous attendent à la cantine, parce que même en présence des parents, tout dépassés qu'ils sont, ça sent le fait divers ;-)
Pour ceux là, on ne peut qu'essayer de leur maintenir la tête hors de l'eau.

Là, maintenant, il va falloir se concentrer sur les copies à corriger, sans s'endormir.