mardi 21 octobre 2008

Une petite goutte


Elle est discrète, la petite goutte, perdue au milieu de la multitude des gouttes qui tapissent le jardin. Tellement discrète que peu en connaissent le goût ou la couleur des reflets. Elle ne se laisse pas approcher. Elle ne se voit pas une belle goutte. Elle pense que la multitude des autres gouttes brille bien plus fort et a bien meilleur goût. Elle est là, sans bouger, brille parfois d'un reflet du soleil, se tapit souvent dans l'ombre pour demeurer ce qu'elle est, une goutte parmi les gouttes. Elle le sait, elle peut se donner mais pense qu'elle a peu à donner. Que son goût est bien trop banal dans la multitude.
Bien sûr, elle a connu quelques autres gouttes, la petite goutte. D'autres gouttes qui se sont nourries d'elle pour briller davantage, pour paraître plus grosses au milieu de la multitude, qui voulaient changer une banale petite goutte d'eau en vin, d'autres encore qui se sont nourries d'elle avant de glisser vers d'autres feuilles. Elle se laisse désormais difficilement approcher.
Peu lui importe l'éclat des autres gouttes, briller parfois au milieu de celles qui lui sont proches suffit à son existence. Elle pourrait disparaître, peu de gouttes s'en apercevraient, encore moins en seraient émues. Elle pourrait glisser doucement avant de chuter et d'éclater au sol, se retrouver projetée par un coup de vent imprévu, sécher trop vite d'un rayon de soleil trop violent et ne laisser qu'une auréole de sel qu'effacerait la prochaine pluie. Elle s'accroche pour rester au milieu des gouttes qui l'entourent et qu'elle surveille d'un œil de louve.
Ce qu'elle aime, cette petite goutte si discrète, c'est rouler vers une autre goutte, une goutte qui lui dit "-viens" et à laquelle elle répond "-viens". Les deux gouttes s'observent, se touchent, d'abord doucement, puis tentent de se glisser l'une en l'autre, de se mélanger pour former une autre goutte.
Ce qu'elle aime, cette petite goutte si discrète, ce qui lui donne envie de s'accrocher encore et encore à sa feuille, c'est la couleur que prennent l'ombre et la lumière quand elles traversent non plus une mais deux gouttes qui se mélangent.
Elle est discrète et reste discrète. La couleur si particulière de la lumière dans ces moments là lui suffit.
Espérant avoir trouvé sa goutte.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bien, j'en étais à des histoires de gouttes de pluie, de flocons de neige trop éphémères, d'écumes volantes quand subitement j'ai été (bêtement) susceptible.
Bon alors, il est temps de conclure quand même, pour dire que les chemins d'eau ramènent à la vie, toujours, quelle que soit leurs formes. Et toi tu es l'eau qui me fait pousser et grandir tous les jours, qui me nourrit quand j'ai faim, m'abreuve quand j'ai soif, me lave quand je suis angoissée.
Je ne dirai rien des gouttes de sueur ;)
Et demande pardon pour ma vexité mal placée.

Fabien a dit…

De huit, de chaise, simple ou double, certains nœuds sont les mots du ventre, parce qu'il se trouve si près du cœur qu'il se serre des sentiments de culpabilité, d'erreurs, de mots déplacés ou mal placés, comme la gorge se referme parfois sur des mots d'amour qui ne trouvent pas leur chemin vers l'oreille qui les attend.