samedi 10 octobre 2009

Mon boucher est un artiste

 
 

 
 
"Mon boucher est un artiste"

Tous ceux de ma génération auront reconnu ce slogan publicitaire qui dans les années 1990 ornait les vitrines de boucheries et occupait notre petit écran avant et après PPDA alors encore jeune et fringuant.
Ben faites gaffe, les mecs, si vous êtes comme moi, j'ai peur qu'on vieillisse mal.
D'abord, je n'arrête pas d'être spamé pour du Viagra et des assurances décès. Ca fait mal. En même temps, j'ai parfois l'impression de devenir un vieux con rétrograde qui bientôt délaissera sa famille le dimanche matin pour aller laver sa voiture avant un jour, tard j'espère, voter Front National ou soutenir Benoît Hamon.
Sérieux, ça fait un peu peur, surtout si mon boucher est effectivement un artiste.

Jeudi dernier, Le Monde publiait les "bonnes pages" d'un certain opus de notre actuel ministre de la Cul(ture). Et franchement, pour ce que disent ces "bonnes pages", et la manière dont c'est dit, on peut légitimement se demander si un ministre en exercice, dont on peut attendre un minimum d'intégrité comme de toute personne publique, peut demeurer publiquement public. Mais bon, il l'a dit, il a peut-être fait une erreur, mais rien de plus. En même temps, on peut se demander si un éditeur aurait accepté de publier le même texte écrit par une personne pas publique.

Il en est de même pour un livre qui avait défrayé la chronique littéraire et médiatique et retraçait La vie sexuelle de Catherine M, elle aussi relativement intégrée au gotha médiatico-artistique. Personnellement, je m'en suis arrêté à la sodomie un jour de gastro, pensant alors avoir enfin connu la quintescence de l'art et de la création littéraire. Un livre écrit par un corps, par la main d'un corps. L'âme, dont on peut attendre l'art, étrangement absente, Catherine nous narrant ce que faisait et subissait son corps, sans jamais laisser penser qu'elle possédait une âme qui pouvait éventuellement participer à l'acte. Mais il est vrai que l'âme se laisse moins facilement pénétrer qu'un corps de femme, ce qui fait d'ailleurs toute la force des prises de position (non Catherine, c'est n'est pas la peine d'écrire le tome 4) de Benoît XVI.
Ceci étant dit, le principal argument à retenir ici est que, selon notre ministre de la Cul(ture), comme avant lui un ex-PDG de Nouvelles Frontières avait dit qu'on n'était pas un homme si on ne possédait pas une Rolex à 50 ans, nul ne peut blâmer notre ministre puisque tout le monde l'a déjà fait un jour. Je déclare donc ici devant témoins que je ne suis jamais entré dans un bordel, que je ne connais pas la Thaïlande, et que je n'ai jamais payé pour faire l'amour ni avec un homme, ni avec une femme. Je sais, je ne suis pas un homme, ma femme me le répète assez souvent.

Je me souviens à l'époque m'être demandé si les éditions du Seuil, qui pour moi défendaient une qualité littéraire autre que celle des éditions Gérard de Villiers, auraient publié ce texte s'il n'avait été le produit d'un corps par ailleurs connu (et visiblement reconnu) dans le monde de l'art, de la presse et des médias, et que ce corps avait à l'époque pour compagnon de libertinage un photographe très en vue dans le microcosme parisien.
Parce qu'il doit bien y avoir d'autres Catherine M. qui ont elles aussi une vie sexuelle peut-être plus intéressante (et mieux écrite ou mieux décrite) que celle d'une rédac' chef de Beaux-Arts Magazine.

Je me souviens également d'une intervention d'Orlan, vous savez, cette artiste franco-hollywoodo-stéphanoise qui se faisait greffer toutes sortes de postiches sous la peau du visage et diffusion directe et simultanée dans les plus grands musées d'art contemporain du monde pour dénoncer l'image et les usages socio-culturels du corps des femmes et le carcan de la chirurgie esthétique. Et en bon macho insensible à la portée artistique de certains gestes, lorsque l'an dernier je me suis aperçu qu'une de mes élèves portait des traces de strangulation et autres entailles à l'intérieur des poignets, j'y ai davantage vu une gamine en souffrance qu'un génie artistique en herbe. En d'autres occasions, trouvant une personne qui avait décidé d'en finir, c'est vrai que là encore j'ai eu le réflexe d'appeler le 15 et non le ministère de la Cul(ture).
Et je n'arrive toujours pas à considérer le rabbin qui m'a circoncis comme un intermittent du spectacle.

Depuis quelques années, "l'œuvre" du plasticien allemand Gunter Von Hagens, faite de cadavres polymérisés, découpés et écorchés dans diverses positions fait le tour du monde et suscite la polémique. Excusez du peu. S'ils avaient eux aussi appartenu au monde artistique et médiatique, s'ils avaient eux aussi été capables d'élaborer d'oiseuses théories esthétiques, le Dr Mengele aurait pu arguer du fait que s'inspirant des techniques ancestrales de l'ikebana et du bonsaï japonais, il expérimentait le bonsaï humain dans les camps de la mort, et Patrice Allègre continuerait à décimer la population des prostituées toulousaines pour dénoncer la place des femmes dans les sociétés méditerranéennes. Emile Louis n'a pas non plus déclaré qu'il luttait contre le désintérêt amoureux dont font l'objet les jeunes filles handicapées mentales.
Je ne compare pas. Je pousse le raisonnement un peu plus loin, simplement.

Mais c'était sans compter avec l'immunité artistique, concept juridique apparu ces derniers jours après l'arrestation de Roman Polanski en Suisse. Même notre ministre de la Cul(ture) est monté au créneau. Le seul qui ne se soit pas positionné sur le sujet à l'heure actuelle, c'est Bertrand Cantat. Allez savoir pourquoi ?
Eric-Emmanuel Schmidt, dans La part de l'Autre, explore beaucoup de pistes sur ce qu'aurait pu être la vie d'Adolf H(itler) s'il avait été reçu aux Beaux-Arts à Vienne. Mais il ne l'avait pas imaginé implorant droit d'asile auprès de l'Unesco en avril 1944.

Donc si dans un moment de fureur comme j'en traverse quotidiennement, je devais un jour m'en prendre à Fantômette à coups de cendrier en marbre parce que franchement, au niveau du repassage de mes chemises, elle ne fait aucun effort, ou si je devais un jour violer Petit Prince ou prostituer Petite Princesse, je tiens ici à faire valoir mon passé d'artiste maudit.
J'ai effectivement remporté à l'âge de 7 ans un concours de dessin organisé par un journal de l'Est de la France, dessin qui fut publié à la Une de ce même journal. Sauf que mes parents n'ayant pas gardé le moindre souvenir de mon enfance et de mes premiers émois artistiques, je n'ai plus ni ce journal ni le fabuleux tourne-disque orange (oui, c'était les années 1970, l'époque du vinyl et des couleurs flashy) qui constituait le premier prix de ce concours.

Mais au cas où, je pourrai le prouver.
Et je trouverai alors asile à la bibliothèque, dans le bureau des affaires culturelles de la mairie ou dans la salle des fêtes.

Donc, puisque mon boucher est un artiste, il n'y a pas de raison que je ne le sois pas aussi.

3 commentaires:

Fantômette a dit…

Mais tout le monde savait aussi que Berlusconi, Sarkozy, Bush ont été artistes dans leur jeunesse aussi. Pour ça qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent, même faire vieillir la france de plus en plus vieux. C'est leur talent qui s'exprime. Faut pas contrarier ces gens là.
Y'a que les pakistanais qui sont pas contents aujourd'hui...Fred a décidement donné une mauvaise image de leur pays. A la fois, il a confondu psychanalyse et édition qui rapporte vite fait bien fait. Mais tout le monde est content de connaitre les erreurs passées de notre ministre.
En fait Polanski, Mitterand, et autres chanteurs, hommes politiques (artistes donc comme Douillet bientôt député ou schwarzy) sont de grands enfants gâtés qui se disent: "Faute avouée, à moitié pardonnée".

Fantômette a dit…

Thaïlande pardon, pas Pakistan...je mù'emballe, le Pakistan ce ne sont pas les prostitué(e)s, ce sont les vilains islamistes masqués.

Fabien a dit…

Fantômette se lâche...
Le leitmotiv aujourd'hui, c'est surtout "responsable, mais pas coupable", ce qui permet d'abord de se faire justice soi-même. Il paraît même que le fiston aîné de notre Mister President pourrait finir à la direction de l'Epad de la Défense. Pas sûr que ce soit lui le responsable, dans ce cas.

Moi, Fred m'a surtout vexé personnellement, parce que je ne suis pas "comme tout le monde". Cela dit, puisque tout homme doit avoir fréquenté prostitué(e)s et bordels, j'attends le développement du tourisme sexuel au Pakistan, effectivement. La Thaïlande, c'était bien le lieu de détente des GI's cantonnés en Asie du sud-est, non ?
Alors vu leur nombre en Afghanistan, en Irak et au Pakistan, il y a de fortes chances que le Pakistan soit un jour inscrit sur les listes des destinations sexuelles.
Après le massage thaïlandais, le massage pakistanais, genre pseudo-lapidation talibane, ou amour sado-maso avec enlèvement et entraves avec des bouts de câble électrique, miam.

En plus, avec la Burka, cela rajoute le piment de la surprise : on ne sait pas si c'est un homme, une femme, un barbu ou un policier. Un peu comme dans les pochettes surprises vendues aux caisses des supermarchés, sauf que la couleur rose ou bleue donne une piste sur ce qu'on va y trouver.

Dernière question :
Comment Fantômette sait-elle que l'édition "rapporte vite fait bien fait" d'abord ? Dois-je rappeler que j'ai moi-même signé mon contrat d'auteur, et qu'il ne faudrait pas prendre ma femme pour mon agent littéraire ?