mardi 6 octobre 2009

Miroir, mon beau miroir…

 
 

 
 
Qui sommes-nous vraiment ?

Ce doux visage que reflète le miroir quand l'original a déjà disparu ?
Ce doux visage que l'on veut voir dans le regard de l'Autre comme le miroir de ce que l'on serait vraiment ?
Ce masque froid, lisse et sans relief, est-il vraiment le monstre abject que certains ont voulu faire de nous à force de culpabilisation et de machinations ?
Ce masque est-il l'image de ce que l'on est vraiment quand il n'y a d'yeux pour nous regarder ?
Ce doux visage n'est-il que l'illusion de ce que l'on veut montrer de soi ?
Ce doux visage n'est-il que l'illusion que l'on se donne de soi-même ?
Ce doux visage est-il vraiment le reflet de ce que l'on n'est pas ?
Ce doux visage qui tour à tour rit, sourit, embrasse ou pleure, est-ce vraiment soi que l'on réserve à quelques personnes seulement, une seule personne vraiment, quand les Autres ne connaissent qu'un masque de nous ?
Ou ce doux visage n'est-il qu'une chimère que l'on agite sous le regard des Autres pour leur faire oublier la grisaille et la rugosité de ce masque froid de chaux ?

Le contour de ses yeux s'est plissé d'une ride à chacun de ses enfants. Une patte d'oie longue et profonde s'est incrustée à chacune de ses vies. Faut-il qu'elle renonce enfin, qu'elle se résigne à jamais, à murer ce visage d'un enduit gris, pour masquer ses blessures et ses rides en cicatrices ? Ses paupières portent un sel qu'aucun soleil ne semble jamais pouvoir assécher. Parfois une larme emporte un peu de ce sel, mais les cristaux qui demeurent piquent encore ses yeux.

Est-elle vraiment plus belle, plâtrée, uniforme, crépie et décrépie mais inexpressive, que ce visage marqué de ces vies successives, banal et tant beau que laid, mais qui la révèle et lui donne un nom. Certains tournent la page et poursuivent leur chemin. Elle, elle admire ces hommes et ces femmes qui se nourrissent d'abord de leur ego, abandonnent les Autres dont ils se nourrissent avant qu'ils ne soient secs et vides de toute substance, qui ne doutent jamais ou masquent leurs doutes sous un enduit de mépris et de hauteur. Qui savent repérer les failles de l'Autre pour y glisser le drain par lequel ils vont s'en nourrir, utilisant la culpabilité et le reproche pour anesthésie. Elle les admire, en réclame un peu, et les hait.

Elle n'a pas pu tourner la page. Parce que chaque vie qui s'achevait clôturait un livre qu'il fallait jeter avant d'en ouvrir un autre et de buter sur la page blanche. Se relever, seule et nue, et entamer une nouvelle vie, un nouveau livre, faire sa mue, renoncer et porter le deuil. Prendre des rides. Certes, aujourd'hui, elle n'est pas belle, elle n'est plus belle, parce que la peau de son doux visage est flétrie, fanée par ces vies et ces morts successives plus que par le décompte des années. Son visage porte la marque de ce qu'elle a vécu, mais aussi de ce qu'elle n'a jamais vécu, de ce qu'elle a dû effacer, gommer, enterrer à chaque fois qu'il fallait fermer un livre inachevé. Elle s'est construit un visage de mortier qui la rend invisible, de celles que l'on croise sans les voir.

Bien sûr, son visage, son doux visage qui s'incruste dans le miroir, a perdu de sa fraîcheur et l'insouciance qu'on lui a enlevée avant même qu'elle puisse l'embellir. Ce visage, qui de loin peut sembler avenant, joli, désirable pourquoi pas, attendrissant sûrement, ce visage de près est imparfait, laid par endroits et sous certains angles, fragile, commun, banal, sans intérêt.
Son visage n'est pas beau, parce que certains, elle leur en veut, ont voulu, à coups de ciseaux, de remarques assassines et d'accusations parfois ignobles en faire leur objet.

Mais ce visage, c'est Elle. Il est ce qu'Elle est. Et c'est ce visage qu'elle croise parfois dans le miroir, pas cette face de chaux et de sable dont la vie l'a enduite pour la protéger et lui rappeler combien de vies elle a échoué auparavant.

2 commentaires:

Fantômette a dit…

Et le masque de la bêtise tu crois que cela s'enlève?
J'ai besoin d'un lifting, vite, au secours!

Fabien a dit…

Pourtant, je ne l'ai jamais vu dans la panoplie de Fantômette, ce masque là.

Le jour où j'arrive à l'enlever celui-là sera un grand jour.
Le grand jour.

Et je le ferai reproduire pour l'offrir à tous ceux qui le portent sans s'en rendre compte.