vendredi 11 décembre 2009

Le poil de la bête



Photo by Fantômette


Sens commun et sixième sens.

On nous apprend dès notre plus jeune âge à distinguer et développer nos cinq sens, ouïe, vue, toucher, goût, l'odorat. A interpréter les signaux que ceux-ci nous envoient, à établir des chaînes cognitives qui nous font repousser une assiette ou traverser la rue dans une relative sécurité, après le bus et avant le chauffard en retard. Une bonne part de notre éducation est ainsi destinée à apprendre à utiliser notre être sensible pour assurer notre survie, notre reproduction et nous permettre de ainsi de continuer à payer nos impôts.

De ce monde sensible, notre éducation nous apprend à occulter une part importante de notre sixième sens, de notre être sensible, de notre sens des émotions et des sentiments. On dira d'une personne qui retient ses larmes qu'elle est forte, on lui prêtera la force de cacher ses sentiments, ou de ne pas en avoir. Haro donc sur celle qui versera une larme, qualité seulement féminine, le mieux étant cependant de s'épancher en larmes sèches et de couler ses sentiments sous une dalle de béton prompt et bien tassé. Nos jours ne sont pas à l'expansion sentimentale et à l'expression du sixième sens.

Le sixième sens, le sens des émotions et des sentiments, n'est que naïveté, fragilité et faiblesse affichées. Son expression requiert la connaissance de mots, de gestes, que l'on ne nous apprend pas. On nous apprend à nous affranchir des sentiments, des nôtres comme de ceux des autres, à dire "je t'aime" comme signature d'un contrat social, à utiliser nos sentiments et leur expression, pas à les vivre, encore moins à les offrir en partage aux autres. Il convient de savoir taire et cacher ses sentiments, la part sensible du sixième sens pour ne pas demeurer en marge de la société, en marge de l'autre.

Il arrive parfois qu'au détour d'un chemin de broussailles on croise par hasard l'étoile que l'on cherchait vainement dans l'infini de l'encre du ciel, une étoile qui non seulement accepte un temps de partager ce sixième sens, mais se prend également au jeu parce qu'elle inspire, alimente, nourrit, le sens de nos émotions et de nos sentiments. Il faut alors accepter de taire ces sentiments et se plier aux règles du social et de l'éducation partagée, "je t'aime" comme contrat social ou s'ouvrir sur le moment, s'abandonner à fermer les yeux et ouvrir son coeur, s'inonder des larmes de bonheur et d'ivresse, jusqu'à ce que tant de sincérité dans ces émotions ne finisse par effrayer et faire douter l'étoile à laquelle on se livre.

Seul le sixième sens peut réduire et anéantir les années-lumières qui nous séparent de notre étoile, rapprocher les coeurs, les âmes et les corps.

Non, franchement, il ne fait pas bon avoir trop de sixième sens dans ce monde qui sait greffer les coeurs mais ne se soucie pas de les laisser parler. Le sens commun fait de ce sixième sens une qualité, à condition de la taire. Et si certains voulaient vivre et exprimer ce sixième sens ?
Pourquoi cette tare sociale ne pourrait-elle pas être une qualité ?

2 commentaires:

Fantômette a dit…

Mon 6e sens me dit que c'est bientôt le WE avec mon chéri en amoureux pour retrouver le goût de nos 5 autres sens, avant d'entammer à nouveau une dernière semaine de boulot sans aucun sens. Un peu de bon sens nous apprendra que les vacances de Noël approchent qui redonneront à notre vie tout son sens.

Fabien a dit…

Ca veut donc sous-entendre qu'il faut garder tous les sens en éveil.
Une culture des sens ordinaires et des sens super, la difficulté est d'accepter de sentir, de ressentir, d'assumer envies, désirs, besoins...
Garder le cap pour rester dans le bon sens.