mardi 22 juin 2010

La sardine du Vieux Port


Il fut un temps pas si lointain où Fantômette ne pouvait se passer ni de mon corps, ni de ma conversation par laquelle elle puisait dans l'immensité de ma culture telle Cosette remplissant le tonneau des Danaïdes.

Ô temporis, notre couple a vieilli, mon corps s'étiole et le puits de ma culture s'apparente désormais à un marigot sahélien dans lequel viennent s'ébrouer veaux, vaches et gnous. L'intérêt de ma conversation ne se résume plus désormais pour Fantômette qu'à profiter de ma logorrhée et de mon temps sans cesse croissant de réflexion pour se plonger dans son livre, téléphoner à une copine ou regarder un épisode de Desperate Housewives.
Consciente de plus que je suis actuellement handicapé manuel, aussi me demanda-t-elle la semaine dernière, sachant que le temps de ma réponse serait d'autant plus long : "- tu connais l'origine, toi, de la sardine du port de Marseille ?"

De plus, en ces temps où à peine clos le nécessaire débat sur l'Identité Nationale, des joueurs aux origines douteuses se permettent d'insulter leur entraîneur et de faire des caprices au lieu de défendre les couleurs de notre chère Patrie en tapant dedans un ballon, peut-être est-il juste et nécessaire de rappeler ce que nous devons à certaines communautés étrangères, précisément, maghrébine, que nous accueillons à bras ouverts dans notre beau pays : les chiffres arabes, le papier, la construction du Futuroscope par Charles Martel en 732, les 1001 Nuits, l'escroquerie aux Assedics, les concours de voitures brûlées et le chèque, mais aussi, aussi, la sardine de Marseille.

Tout le monde connaît Hannibal, ses éléphants, et le serment que, selon Tite-Live, il aurait fait à son père Hamilcar : « Je jure que dès que l’âge me le permettra [...] j’emploierai le feu et le fer pour briser le destin de Rome."
On dirait Jean Sarkozy remerciant son père.
Or, on l'a vu, il ne faut jamais rien promettre à son père.

A 25 ans, considérant qu'il a atteint l'âge de manier le fer et le feu, et que s'il veut être rentré à temps pour la finale de la Coupe du Monde il n'est que temps, Hannibal passe donc les Colonnes d'Hercule comme d'autres le Rubicond à la tête d'une armée de plus de cent mille hommes et 37 éléphants.  L'historiographie n'a retenu que la présence de ces pachydermes, mais le cortège comptait également de nombreux dromadaires, chevaux, ânes, puces domestiques, acariens, poux, esclaves numides et femmes.


En raison de la résistance des indigènes, de la douceur du climat qui n'est pas sans rappeler celle de sa patrie et d'une addiction prononcée à la salade de fruit locale que les autochtones nomment "sangria", il lui faut près de deux ans pour traverser l'Ibérie, d'où le proverbe "Au plus fort de l'ibère, songe au printemps."

En bon maghrébin qu'il demeure, Hannibal manie à merveille les chiffres arabes, se vantant d'ailleurs de pouvoir calculer du premier coup et sans erreur, le montant de ses impôts sur le revenu, impôts qu'il ne paie d'ailleurs plus depuis qu'il a imposé à Carthage un système fiscal inspiré du "bouclier discal", inventé par un chef gaulois aussi gesticulant qu'arrogant, nommé Sarkosix.

Ainsi donc, à l'approche des Pyrénées et du changement d'opérateur, il se trompe dans la conversion des coordonnées GSP de Rome des chiffres arabes en chiffres romains, imposant à son corps défendant et à son armée un détour par le défilé de Ronceveaux le jour où les Basques y fêtent la Saint-Firmin, patron local, à coups de concours de force, de chants virils et d'alcool de cerise. Ne lui jetons pas la pierre pour cette erreur de paramétrage, car souvenons-nous qu'Hannibal était maghrébin et de plus, borgne.
Or, la téciture des chants basques dont la mélodie échappe aujourd'hui encore à un non-natif de la région et à toute oreille civilisée n'est pas sans rappeler aux éléphants le cri de l'hippopotame en chaleur, ce qui provoque la panique chez les pachydermes qui se mettent à barrir durant la traversée du défilé. Les Basques, qui  n'étaient déjà plus en état de conduire et de saisir le sens de la scène à laquelle ils assistèrent, et par ailleurs jamais à cours d'histoires qui puissent flatter leur bravoure supposée et leur irrédentisme régional affirmé, firent de cet incident le récit mythique d'un Roland assailli par plus forts et beaux que lui, et aujourd'hui encore, se livrent, faute d'éléphants élevés dans la région, à des courses de vachettes, et commémorent chaque année l'ambiance qui régnait ce jour là dans le défilé de Ronceveaux, foule en délire, viande saoule, odeurs capiteuses de vomi, de pisse sur les murs et d'alcool bon marché, lors des fêtes de Bayonne.

Mis en retard par ces contre-temps et peu au fait des coutumes polythéistes des gaulois, goths, ostrogoths et anglo-saxons d'adoration des dieux Soleil, Piz-Buin et Bikini, les armées carthaginoises traversèrent le sud des Gaules lors du chassé-croisé du 15 août, ce qui provoqua un bordel monstre et un regain de ferveur pour le dieu des voyages Sanglier Futé.

Cependant, la principale manifestation de cette incompréhension culturelle eut lieu lors du massacre de la population de Massalia, cité grecque fondée par les Turcs de Troie, que le grand cric me croque. En effet, Hannibal tomba sous le charme de cette cité dont l'atmosphère, les bruits, les odeurs, le caractère cosmopolite et bon enfant lui rappelaient tant son Maghreb natal.
Pour un peu, il en aurait oublié les raisons de son voyage, détruire Rome.
Or, alors qu'il se reposait à une terrasse du Vieux Port en sirotant une boisson locale à base d'anis et autres nutriments régionaux, Hannibal pensa échapper à un attentat, ce qui provoqua ensuite le massacre de la population massaliotte, comme il le relate dans son récit de voyage "Ma guerre des Gaules à moi" :

Alors qu'Hannibal Le Grand [ainsi se nomme-t-il tout au long de l'ouvrage, NDLR] se reposait de sa sauvage chevauchée au mépris du danger et des moustiques de Camargue, songeant déjà aux nombreuses victoire qui l'attendaient, Il fut victime d'un lâche attentat commandité par le syndicat des brasseurs de cervoise locaux, nommé le Milieu Marseillais, et commis par trois hommes de main, immédiatement arrêtés et torturés, Ceasar, Panisse et leur chef Marius.
S'étant subrepticement approchés du Grand, ils lancèrent une bille de bois de faible diamètre qui roula sous sa table, suivie de boules d'acier d'un diamètre et d'un poids conséquents au cri de "Tu la tires, ou tu la pointes ?"
Pris de panique, Musardine, le fidèle éléphant d'Hannibal se cabra avant de tomber dans le Vieux Port et de s'y noyer.

Traduction et notes de JF Champollion, éditions des Belles Lettres.

Hannibal, qui vouait à son éléphant un amour que jalousait chacune des femmes de son harem se jeta dans le port au cri de "Musardine, Musardine !" pour tenter de sauver sa monture, puis, de dépit et de colère, fit aussitôt regrouper l'ensemble de la population qui fut passée par le fil de l'épée sous les ordres de son vizir ibn' Shishoun.

L'histoire se répéta en 1943 sous l'occupation allemande. Otto Von Wagen, colonel allemand avait pris goût au soleil, à l'anisette et aux Marseillaises qui le courtisaient en raison d'une mauvaise compréhension de la langue de Goethe. En effet, Otto avait ses habitudes, son fume-cigarettes et sa table en terrasse au Bar de la Marine. Gros buveur, il avait passé un accord tacite avec le patron qui lui servait le pastis au mètre, lorsqu'Otto commandait "ein Meter, Bitte !", phrase sur laquelle se méprirent de nombreuses Marseillaises et certains Marseillais aux moeurs douteuses qui pensaient que le Bar de la Marine hébergeait une réincarnation de Priape de dimension métrique cachée dans la culotte de cheval de l'uniforme de l'officier SS.
Aussi, pris de fureur et de boisson, il ordonna la destruction du quartier du Panier lorsque roula vers lui une boule de pétanque que son cortex clapotant dans l'anisette identifia pour une grenade à fragmentation, certes défectueuse, mais non germanique.

Rappelons qu'il fallut l'intervention de la communauté scientifique et l'Imagier du Père Castor pour que Jean-Claude Gaudin, ancien maire de Marseille, accepte de reconnaître que les ossements exposés à la Mairie n'étaient pas ceux d'une sardine géante pêchée dans le Vieux Port, mais de Musardine, l'éléphant d'Hannibal, avant que la population ne soit massacrée par ibn' Shishoun.

D'où l'expression actuelle "Arrête, t'as vu la sardine du port de Marseille, fan de chichoune !"

3 commentaires:

Fantomêtte a dit…

Hannibal était une sardine?

Fabien a dit…

Non, la sardine, c'est Musardine ,-)

Visiblement, il vaut mieux que j'arrête d'écrire, c'est du charabia

Fantomêtte a dit…

Mais non c'est génial tu es super redacteur!
C'était une boutade!