mardi 15 février 2011

La mauvaise foi en patois


Pas plus tard que dernièrement, une jeune lectrice de ce blog me reprochait ouvertement et sans vergogne aucune d'avoir "tagué" une photo du Mont Saint-Michel comme bretonne et non comme normande comme le savent tous ceux qui ont passé le concours des PTT ancienne formule.
Qu'elle reçoive ici encore mes plus plates excuses pour cette erreur d'attribution indigne d'un géographe qui se respecte.
Que les foudres de la Société des Agrégés et des Annales de la Recherche Géographique s'abattent sur moi, je demande seulement que mes cendres soient éparpillées au vent depuis l'abbaye du Mont Saint-Michel, peu me chaut qu'elles se dirigent en Normandie, en Bretagne ou en Ukraine, au point où ils en sont, ils ne sont plus à quelques merdes près.

N'empêche, du point de vue géologique, le granite dont est construit le Mont l'apparente davantage au massif Armoricain qu'à la craie du Cotentin.
En même temps, la Normandie ne peut pas non plus revendiquer deux symboles du génie humain, le Mont Saint-Michel et l'usine Areva de la Hague, et ne laisser à la Bretagne que les quelques cailloux mal équarris de Carnac, dont on pense désormais qu'ils résulteraient d'un culte protoceltique de la culture de l'endive dont ne saurait s'enorgueillir une région au passé aussi riche que la Bretagne.

Faut savoir partager.

N'empêche, je me méfie toujours de l'irrédentisme régionaliste et du localisme bon teint qui nous rapproche trop souvent des propos de JM Le Pen qui préfère sa soeur à sa cousine, et sa cousine à sa voisine... mais aussi du folklore à deux balles et autres écomusées destinés à valoriser un patrimoine que quelques érudits locaux se chargent d'inventer par des légendes forgées de toutes pièces et glanées dans les pages régionales de France Dimanche ou Détective, légendes labelisées et certifiées ensuite par Jean-Pierre Pernaud qui nous fait pleurer sur l'épaule de la dernière dentellière de papyrus de varech du bassin d'Arcachon qui risque de disparaître à cause de la concurrence chinoise et avec elle un savoir-faire unique puisqu'il n'y a jamais eu  qu'une seule dentellière de papyrus de varech à Arcachon et à 3000 km à la ronde. C'est Julie, Djoulaï, comme se plaisent à l'appeler les animateurs et éducateurs du CAT d'Arcachon.

Le régionalisme, c'est la mauvaise foi en patois.

Rien qu'ici à Toulouse, il est d'usage de doubler les noms de rues de leur "original"occitan, et depuis quelques années maintenant, d'entendre le nom des stations de métro prononcées en français et en occitan. Pas en espagnol, en anglais, allemand ou arabe, langues que pourraient parler quelques habitants cosmopolites de la Ville Rose, non, folklore oblige, le lobby occitaniste a gagné. Il faut dire que l'Occitanie s'est dotée depuis peu d'une République éponyme et d'un gouvernement qui s'est réuni récemment place du Capitole, dont on peut espérer au moins qu'il poussera la revendication autonomiste à fonctionner sans aucune subvention publique, ce qui serait un comble.

Le régionalisme, c'est la mauvaise foi en patois.

D'ailleurs, le régionalisme ici se double comme partout d'un racisme envers les voisins, bordelais, qui se traduit par des lynchages populaires et salvateurs les soirs de match, des caillassages des 33 depuis les ponts du périph' les jours de départs en vacances et la construction de la centrale nucléaire de Golfech, celle qui alimente la ville de Toulouse, aux portes d'Agen et de la région Aquitaine. S'ils avaient pu, les Toulousains l'auraient bien construite sur la Place des Quinconces, rien que pour faire la nique aux Bordelais. Le régionalisme est surtout l'apanage de ceux qui sont en manque de frontières, de barrières et se construisent une identité dans l'exaltation et l'exacerbation d'une altérité négative et contrariée.
"L'Autre est un con (une bête, un païen, un infidèle, un boche, un noir, un arabe...), donc je suis !"

C'est qu'ici les revendications régionalistes, en dehors des panneaux routiers traduits, boutiques de cassoulet-souvenir et de bonbons à la violette, s'acoquinent souvent de relents de catharisme, de nostalgie astrologique, voire de négationisme historique servant à justifier de s'affubler de costumes à la mode du XIIIe aux poches adaptées à la taille de l'Iphone et de réhabiliter l'organistrum dans les bals villageois pourvu qu'il soit équipé en 340 volts pour la sono.



Le régionalisme, c'est la mauvaise foi en patois.

Mais revenons-en au Mont Saint-Michel.
Alors, le Mont, breton, normand, ou patrimoine mondial de l'humanité ?
Le Mont, chapeau rond, ou cidre brut ?
Quand il faut payer les factures de désensablement de la baie, le Mont est français et européen, point.

Soyons nous aussi de mauvaise foi.  Pour une fois.
Appliquons la méthode régionaliste, et demandons aux habitants de la région.

Demandez à un Normand.
Vous obtiendrez une réponse de Normand !
Demandez à un Breton.
Passé 10 heures du matin, il atteint un tel coefficient d'imbibation alcoolique digne des marées d'équinoxe qu'il n'est plus en état de répondre !
C'est beau, le régionalisme.
C'est la mauvaise foi en patois.

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8 commentaires:

Unknown a dit…

Beautiful compositions! WOW to the view on top.

Lautreje a dit…

Petit fille d'immigrés polonais, j'ai entendu longtemps les grands parents se plaindre du racisme, mais ils trouvaient plus haïssables qu'eux : Ils exploitaient les immigrés d'Afrique du nord...C'est plus confortable de haïr l'autre, cela évite de se poser des questions ! Quant au régionalisme, je trouve qu'il prend une ampleur inquiétante !!
Bravo pour ton texte, un bijou !!
Ps : au fait t'es de quel coin ? ;-))

Pastelle a dit…

Visiblement tu avais besoin de te défouler. Pour notre plus grand plaisir de lecture.
J'ai toujours trouvé ça un peu stupide le régionalisme. Etre fier de quelque chose qu'on a soi même créé, oui, mais fier d'être lyonnais ou breton ou que sais je, c'est juste le hasard de la naissance.
Ou peut être ai je trop bougé pour me sentir vraiment de quelque part et les comprendre...
Et jolies compositions sur les photos.

Fabien a dit…

Réponse à Lautreje : Bof, le hasard de la vie m'a fait naître dans une région au doux nom de "Champagne Pouilleuse" qui depuis est devenue, paradoxe du régionalisme, l'une des régions agricoles les plus riches du monde.
Mais les hasards suivants m'ont amené à déménager bien souvent pour faire de moi un citoyen de la République et du Monde plus attaché à l'universalité de certaines valeurs qu'à un bout de terre, qu'il sente l'iode, le pastel, la lavande ou le purin.

LH a dit…

Tout d'abord qui est l'ignoble individu qui a osé te faire remarquer que tu ne libellais pas convenablement un ilot rocheux du patrimoine mondial de l'unesco !
Il ne s'agit pourtant que de quelques misérables degrés pas de quoi en faire un fromage ! ...quoique tout bien réfléchi quelques degrés et tu bois une bolée sur la pointe du raz ou la tasse en plein océan...(et c'est pas la pire des situations dans laquelle tu pourrais te retrouver, à un degré pres :D !)

Faut savoir partager, là je suis entièrement d'accord !

Je suis donc en route pour partager avec toi une vision élargie d'un terme réduit à une expression politico simpliste avec références demago qui donne du même fait la part belle à ta vision (que je défends volontiers à tes côtés) ; tiens d'ailleurs en défilant on poourrait peut être choisir d'entoner :

"C'est vrai qu'ils sont plaisants tous ces petits villages
Tous ces bourgs, ces hameaux, ces lieux-dits, ces cités
Avec leurs châteaux forts, leurs églises, leurs plages
Ils n'ont qu'un seul point faible et c'est être habités
Et c'est être habités par des gens qui regardent
Le reste avec mépris du haut de leurs remparts
La race des chauvins, des porteurs de cocardes
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part....."

Mais on aurait aussi pu le voir comme un principe de subsidiarité ce régionalisme politique, mais peut être remets tu enquestion les bienfaits de la decentralisation ou mieux encore le fondement même de la construction européenne, car en effet il s'agit bien là d'entendre le regionalisme subsidiaire comme s'ajoutant à l'élément principal pour le renforcer...plus que comme la simple défense bébête de l'endroit d'où on vient ... ! La France est constituée d'un seul peuple, une seule nation et un seul état et je tiens à cette intégrité mais aussi à toutes les composantes de cette entité, bâtie sur differentes langues, cultures, architectures, individalités, origines et populations qui enrichissent en soi par leur simple existance l'ensemble et dont il est précieux de préserver la mémoire.


Chaque fois que j'ouvre la bouche on me rappelle que je ne suis pas "d'ici" et j'aime cet accent que l'enfance m'a légué et j'aime m'en souvenir... Mais je ne vis en France que depuis deux ans, et me souvenir c'est peu être ma façon de lui ré appartenir à cette unité que j'ai si longtemps quittée...

Fabien a dit…

LH aura bien compris j'espère que j'ai un humour qui frôle le 10e degré, mais je démarre au quart de tour dès le 2e !!!
D'autant que ça me donne parfois, comme ça, des idées pour écrire, sérieusement ou moins.
Et si je regrette la construction d'identités régionales souvent articielles qui sont sources de frontières mentales et cocardières, chacun a une identité qui se construit avec le temps et une multitude de territoires auxquels il se sent appartenir ou non, que ce soient ses origines de naissance, de construction ou de vie. C'est autre chose, c'est beau, et fondamental.

Par contre, je ne sais pas bien si je peux continuer à fréquenter virtuellement une personne qui me dit n'être en France que depuis deux ans, à moins de ne tomber sous le coup d'une loi signée Besson ou Hortefeu pour hébergement numérique de sans-papier ;-)

Lautreje a dit…

comme toi, je me sens avant tout citoyenne du monde ! belle soirée !

Le Journal de Chrys a dit…

Pour moi, c'est dans le Nord... Et pas de régionalisme qui tienne, j'aimerais bien visiter!