Anniversaire d'une rencontre...
Ecrit il y a cinq ans, et diablement d'actualité encore.
Ce premier jour de l'hiver est aussi celui de l'anniversaire d'une
rencontre. Ca n'arrête pas, les anniversaires. Mais là, c'est celui
d'une belle et hasardeuse rencontre.
Il est des personnes dont la
rencontre change la vie. Durablement. De la manière la plus improbable.
Sans même qu'on puisse le prévoir, l'entrevoir, le percevoir,
l'imaginer, ni même le rêver.
Il est des personnes dont la rencontre change la vie. Même si on ne le comprend que plus tard, bien plus tard.
Des personnes dont on se dit "je ne suis pas pour elle", "elle n'est pas pour moi".
Et pourtant.
Dans
une période de solitude et de tristesse, de doute et de culpabilisation
doucement et longuement instillée, où on se sent soi-même aussi
follement attirant qu'une vesse de loup quand les autres vous fuient, le
hasard a voulu que je sois amené à me rendre chez une jeune femme
inconnue, pour lui emprunter les clefs d'un appartement dans lequel je
m'apprêtais à passer le réveillon de Noël avec pour seule et aimable
compagnie celle d'un bloc de foie gras et d'une bouteille de champagne,
une ambiance festive certes peu propice à la conversation (mon foie gras
devait être celui d'une oie autiste et le pain au noix se révéla
sourd-muet) mais favorable à méditer sur le sens de la vie en général et
la difficulté à aimer les gens qui ne le peuvent pas. Triste soirée au
demeurant, j'eus beau habiller ma bouteille d'un bas résille, ma libido
resta en berne.
Or donc, alors que je pensais ne rester que
quelques minutes, me voilà sonnant au carillon de cette inconnue,
arborant un sourire de circonstance alors que le moral du jour incitait
davantage à m'allonger sur les rails de chemin de fer qui passaient au
bas de sa rue. Mais compte-tenu de la faible fréquence des trains sur
cette ligne desservant l'Aveyron et craignant de prendre froid en
attendant le prochain, je fis tinter la sonnette.
Grand mal m'en
prit. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je me retrouvai
une coupe de champagne à la main à disserter poliment et doctement avec
la jeune femme en question et ses parents, l'envie de partir s'estompant
progressivement à la faveur des bulles, de la chaleur et d'un sentiment
de bien-être oublié depuis… pfouhhh.
Les enfants couchés, leurs
grands-parents partis, je ne bougeai pas, sans même m'apercevoir que je
squattais honteusement et sans vergogne le regard de cette jeune femme,
sa soirée, sa conversation, son attention, sa cuisine, son cendrier, et
une bonne partie de sa nuit. Parce que faute de me rouler sur elle ou
avec elle, je sais me tenir aux premières heures du premier soir, la
conversation roula sur tout. Longtemps. Longtemps après la fin de la
bouteille de champagne.
Ce n'est que tard dans la nuit que je quittai cette jeune femme et son chez-elle, avec en tête et dans le cœur, un sentiment de Waouhhh.
Waouhhh,
ça existe. Tout simplement. Une femme simple. Trop simple pour moi
quand on me disait si compliqué. Une femme belle, trop belle pour moi.
Une femme charmante, trop charmante… Une femme intelligente… qui savait
rester vivante malgré la souffrance, la salissure, la maladie, les
épreuves. Trop vivante… Une femme qui riait et riait de moi. Avec moi
aussi, des fois. Une femme qui m'écoutait comme je l'écoutais. Une femme
dont la présence suffit à abolir le temps et l'espace.
Elle
avait quelque chose de fascinant, de surprenant. Un naturel hors du
commun. Je n'imaginais rien entre nous. Je ne rêvais à rien pour nous.
Les rêves m'avaient déserté. Je pense qu'elle aussi, à cette époque. En
soi, elle était rassurante. Ca me rassurait de savoir qu'il existait des
femmes comme elle. Qu'il existait au moins une femme comme elle.
Ce
n'est que des mois plus tard que nous nous revîmes, même si, à
l'occasion de trop nombreuses périodes de célibat que m'offrait une
personne qui ne parvenait pas à se décider, je tentai bien ma chance en
apportant des pizzas, c'est donc bien des mois plus tard que nous fîmes
vraiment connaissance, et qu'après m'avoir demandé une fiche de paye
afin de vérifier que j'étais bien fonctionnaire et d'un indice
suffisant, elle accepta d'abord un restaurant, puis…, puis… et encore…,
mais ça, ça ne vous regarde pas. Voyeurs, va.
Aujourd'hui, elle
est là pendant que je pianote. Elle dort, ronfle un peu, des fois, à
côté de moi, chaque soir depuis des mois. Notre très nombreuse
progéniture digne d'une famille portugaise dort de l'autre côté de la
cloison.
Bon anniversaire à nous, Fantômette.
Merci à la vie.
PS Notons que depuis la liste des anniversaires s'est encore allongée, suite à la naissance de Krapô Nino il y a deux ans !
3 commentaires:
Une très belle et tendre note, comme un conte de Noël. Merci et bel anniversaire à vous.
WAHOOOOO ça existe donc !
Pas de maison à louer à proximité de chez moi... pas de clé à remettre à un éventuel locataire... mais ça réchauffe de lire un tel écrit.
Une bien jolie déclaration comme il y en a souvent sur ce blog.
De très belles fêtes de fin d'année à vous 7 et un bon anniversaire de rencontre aux 2 grands.
Une tres belle histoire qui vient de retourner mon coeur de midinette, porté par les mots qui coulent comme une douce musique.... Le rêve existe donc.... Je ne sais quel métier tu exerces mais dans l'écriture tu as ta place, je te l'affirme ! Bonnes fêtes de fin d'année à Fantomette, tes loupiots et toi :)
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