lundi 7 avril 2008

La relativité du vide


Ben, des fois, le mec délire, d'autres fois, il devient hyper-sérieux, presque mystique.
Pourquoi cette question sur le vide, là, précisément aujourd'hui.
D'abord parce que l'humeur du jour était au vide dans la tête et dans la vie. C'est comme ça, parfois. Puis ensuite, au détour d'une conversation sur Gracq, écrivain de l'attente, de la solitude, du vide de l'espace et du temps. Puis vient une demande de recherche sur les concepts d'hypertextualité et d'extratextualité, qui m'amène au syndrôme d'Elpénor, compagnon d'Ulysse d'abord transformé en pourceau par Circé, avant que son capitaine de compagnon (qui s'était par ailleurs protégé du maléfice par une herbe dont la nature reste encore à connaître, a moins qu'elle ne fasse l'objet d'une interdiction de consommation dans les pays civilisés) ne lui rende forme humaine. Jusque là, tout va bien, sauf que le pauvre bougre ne trouve rien de mieux que de s'endormir rond comme une pelle sur les marches du palais de la belle Circé et de mourir des suites d'un triple salto raté et éthylique du haut d'une falaise en voulant rejoindre ses compagnons de mer.
Médicalement, le syndrôme d'Elpénor désigne donc un état de semi-conscience maladive proche du somnambulisme, comparable aux effets de l'absorption d'alcool, de somnifères, l'exemple le plus célèbre étant celui de Paul Deschanel, Président de la République retrouvé en 1920 en pyjama sur la ligne Paris-Montargis, ce qui n'a guère aidé au développement touristique d'une cité déjà avare d'atouts valorisables en dehors de son Resto-Route sur la Nationale 7.
Ce concept de syndrôme d'Elpénor se retrouve aujourd'hui dans la critique littéraire pour désigner un phénomène que tous ceux qui liront ces lignes connaissent par leur pratique, puisqu'il désigne le fait que par le jeu des liens hypertextes et des clic-cli-clic de la souris, on finit en quelques minutes par oublier l'objet de sa recherche. Eh, woui, ne vous inquiétez pas, c'est normal. C'est même d'ailleurs comme ça que certains arriveront ici, sans le vouloir, bien malgré eux. Rares sont ceux qui viendront volontairement. Mais restez, restez, lisez, régalez-vous… En 2005, on comptait 1 milliard d'internautes, et 30 milliards de pages indexées ou indexables. Trop de plein peut aussi mener sur le vide.

Quel rapport avec le vide ?


Tout d'abord, que le vide absolu n'existe pas. Il se définit par l'absence de…, la non présence du plein, mais possède toujours un substrat sur lequel il repose, des limites qui le définissent, des dimensions par lesquelles il a toujours une fin. Le plein est la fin du vide, mais aussi la référence par laquelle le vide se définit. Comme Moïse inventa la "traversée du désert", cette traversée du vide relatif pour aller d'un plein relatif à l'autre. Regardez Jospin depuis 2002 !
Un peu comme un désert ne l'est jamais tout à fait. Etymologiquement, désert vient de deserere, disjoint, dissocié, donc comme abandonné, comme un vide autrefois peuplé. L'idée de désert suppose généralement l'absence d'habitat, de végétation. Il est donc biologique et humain. Toujours, un jour, bordé de plein.
Le désert absolu n'existe pas. Pas plus que le vide absolu. Il y a toujours une vie biologique, une évolution du milieu.

Donc, j'attends de sortir de mon vide d'aujourd'hui, en espérant retrouver vite ceux qui font le plein, en espérant ne pas finir dans la semi-conscience du syndrôme d'Elpénor, les restes accrochés aux rochers et âprement disputés par les mouettes, et que cette traversée du désert dure moins longtemps que celle de notre ex-premier ministre. Ce qui donne à certains vides le sentiment d'être insondables, c'est l'intensité des pleins qui les bornent.

2 commentaires:

zabeau a dit…

C'est vrai au début c'était sans le vouloir, au détour d'une recherche de blogs photos...aujourd'hui c'est une lecture quotidienne...et pour celle d'aujourd'hui, je me laisse aller à ce petit message.

Fabien a dit…

C'est vrai, c'est beau le hasard des rencontres avec les mots et les images des aautres, même si multiplier les clics sur "blog suivant" est souvent très frustrant.
Heureux de vous retrouver ici, en attendant d'autres photos.