mercredi 14 mai 2008

En équilibre au milieu du monde

Journaux et radios enchaînent les bilans. Ce qui se passe actuellement en Birmanie ou en Chine nous rappelle combien certaines frontières peuvent être prégnantes. "On ne passe pas".
Lignes de couleurs sur une carte, lignes de fracture dans l'espace des hommes. La découverte de l'Afrique a été achevée lorsque Français et Anglais se sont mis d'accord sur la couleur du drapeau qui flotterait sur les sources du Nil à Fachoda en 1904.
Lignes acceptées, respectées, même la communauté internationale se refuse à les transgresser. Ce serait créer un précédent trop grave, quand elle s'efforce de les faire observer ailleurs ou des les dessiner pour faire taire certains conflits comme en ex-Yougoslavie ou au Moyen-Orient. Voyez ou revoyez Babel, le film de Alejandro González Iñárritu. Une bonne partie de l'équilibre (relatif !) de notre monde repose là-dessus. L'acceptation des frontières.
Pour Michel Foucher, géographe, leur effacement est la forme ultime de leur acceptation quasi-intangible.
Nos grands-parents étaient bien loin d'imaginer un jour franchir sans contrôle, aujourd'hui même sans ralentir, la frontière franco-allemande. Au prix du renforcement d'autres frontières. Le centre d'accueil et de transit de Sangatte aujourd'hui fermé, les campements sauvages autour de Calais marquent les limites de l'espace Shengen. Parce qu'il y a encore des frontières. En ouvrir certaines, c'est en fermer d'autres. Dans l'Europe des 27, ce ne sont plus les frontaliers Polonais qui travaillent en Allemagne, mais les Ukrainiens qui tentent leur chance en Pologne.
Parce que les frontières actuelles, ces lignes de couleurs, sont aussi, et peut-être d'abord, des talus économiques, différentiels entre riches et pauvres.



Marc Augé, dont je vous entretenais dernièrement (vous m'arrêtez quand ça vous gave, hein !) rappelle que les non-lieux sont toujours, malgré tout, inscrits dans un mode de fonctionnement culturel et fractionnement institué de l'espace.
"Lorsqu'un vol international survole l'Arabie Saoudite, l'hôtesse annonce que pendant la durée de ce survol la consommation d'alcool sera interdite dans l'avion."

Ce qui me fait penser à l'une des plus belles chansons de Jeanne Cherhal. A voir et à écouter, même en très mauvaise qualité.
Cliquez ici pour en retrouver les paroles.

En d'autres temps, la frontière a été marge, glacis, marche, espace vide et dépeuplé, occupé de garnisons dispersées. C'est la frontière de Julien Gracq dans le Rivage des Syrtes. Un espace vide promesse de l'inconnu, de la rencontre de l'Autre. L'horizon vide de l'attente et horizon d'attente.


Bon, me voilà bien sérieux aujourd'hui. Pourtant, vous savez que les prof's travaillent peu, et même qu'ils le montreront encore demain en faisant grève. Sérieux, le gouvernement annonce un plan de 60.000 suppressions de postes à l'Education nationale. Travailler plus pour gagner plus, je comprends à peu près. Mais ne plus travailler, ça gagne quoi ?
Donc, entre deux siestes en salle des prof's, deux ponts calendaires et deux grèves, les prof's d'histoire-géo sont actuellement consultés sur les programmes prévus pour la rentrée 2010. Voyez, on sent peut-être la poussière, mais on se projette. Enfin on essaie.



Si ces programmes sont appliqués en l'état, ce sera déjà un bon dépoussiérage de l'enseignement de la géographie et la mise en place de problématiques (toc, clin d'œil à une autre prof' ici) qui devraient pouvoir intéresser davantage les élèves.
Par contre, ce qui me gêne, rapport à ces questions de frontières culturelles et à ce que j'écrivais récemment (voir et ) c'est la disparition de la notion de civilisation dans l'étude de l'histoire antique et médiévale. On passerait ainsi de l'étude de la civilisation musulmane, avec ses apports dans de nombreux domaines au Moyen-Age, ses échanges avec les autres civilisations méditerranéennes et orientales, à l'étude de la seule naissance de l'Islam. Exit donc la civilisation pour n'en rester qu'à la religion.
Ma récré (c'est vous) est terminée, je retourne bosser.
Puisque je crois avoir causé éducation et frontières, à vos tablettes, notez que le 13 juin à partir de 19 heures est organisé au Bikini un concert de soutien à RESEAU EDUCATION SANS FRONTIERES avec Les Wriggles, Guizmo ( Tryo) & Désert Rebel, Les Bijoux de Famille, Estéla dou Coqe & claude Sicre, Kebous ( Les Hurlements d'Léo), Les Ptits T'hommes…
Billets en vente à la Cimade, 3 rue Orient, 31000 Toulouse, au prix de 12 euros, les Mardi et Mercredi de 14H à 18H (code d'accès 3842)

Photos : irrigation dans la vallée du Tage, Portugal (sorry, je ne suis pas responsable de la propreté du hublot ;-)
La seconde est prise dans les Pyrénées à Sentein. C'est un clin d'œil aux pyrénéages de Calliope et à X… qui avait fait la même il y a… cinq ans. Certains lieux sont immuables.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

On le sent bien le prof d'Histoire/Géo, derrière cet article...

;-D

Amicalement


PS : Merci de ton passage chez moi ...et à bientôt

Fabien a dit…

Ben oui, Pascal, on passe des concours super-difficiles ;-)
Faut bien que ça serve à quelque chose.
Au plaisir de te revoir ici.