jeudi 23 avril 2009

Le jour où je fus le centre du monde




Ce qu'il y a de bien avec moi, c'est que je dégage naturellement un tel sex-appeal que les femmes se sentent en général très à l'aise avec moi. Du moins en face à face, parce que face à moi n'émane guère de désir de face contre face ou de pile et face.

Pas plus tard qu'un soir de cette semaine, je partageais le couvert d'une jeune et jolie jeune femme qui, plutôt qu'une découverte approfondie de mon corps d'éphèbe, tenta vainement de m'expliquer la théorie des cordes et réussit en quelques réflexions mathématiques à faire éclater mon maigre vernis culturel et la densité de mes capacités conceptuelles proches de celles d'une chèvre. Habituée à fréquenter Maîtres de Conférence et Professeurs de Rang, je fus donc réduit à coordonner à la fois circonvolutions des synapses et brassage intense de la sauce blanche pour émettre à intervalles irréguliers et longs un mot en rapport avec le sujet et sourires de veau pour ne pas passer pour encore plus inculte, voire d'un désintérêt pour la question qui fut inconvenant. Pourtant, la question m'intéressait, mais nous ne nous posions pas les mêmes.

Ainsi donc, moi qui ai du mal à faire quelque chose de mon corps et encore plus de celui d'une femme dans un espace matelassé en deux dimensions de 2,80 mètres carrés, la jeune femme dont la vue en 3D des formes généreuses suscitait déjà chez moi interrogations et, je le concède, désir, la jeune femme m'embarqua donc dans la quatrième dimension, dans un espace temps où je me perdis dès l'entrée, un peu comme quand vous cherchez une paire de lacets chez Auchan ou un interlocuteur qui puisse répondre à votre question à la Sécu.

Moi qui me voyais éventuellement partager la chaleur d'une couette et, pourquoi pas, d'un corps féminin, angoissé à l'idée que si ça se trouve, son lit n'était pas un 140, mais un 120 ou un 160, ce qui risquait de remettre en cause les quelques repères spatiaux nécessaires aux mouvements désordonnés et vains de mon corps, je me retrouvai seul, campant sur le Pôle Nord, désorienté et perdu, désespérément seul.
Désorienté, parce qu'au Pôle, il n'y a plus que le Sud. Est et Ouest disparaissent, on peut tourner en rond comme un chien qui court après sa queue, ce qui correspond grosso modo aux capacités de mon cortex frontal les jours de grande forme, on ne fait que tourner, sans repères, la seule issue étant le Sud.
De plus, la mesure du temps est annihilée, du fait de l'absence de longitude. Certes, à l'endroit où m'avait placé la jeune femme (au Pôle, toujours pas dans sa chambre), mon biorythme continuerait à dérouler son fil vers une fin inéluctable, vers la rencontre avec la Grande Faucheuse qui ne suscite en moi aucun émoi érotique. Mais le temps des hommes aurait disparu. Au mieux, je pourrais descendre vers le Sud, après avoir arrêté de tourner derrière ma queue (c'est une image, hein !), et choisir mon fuseau horaire, donc mon heure, et mon jour, selon le Sud que j'aurais choisi.

Discordance du temps, des temps et des espaces. Tout seul assis sur le Pôle Nord, un homme placé là vivrait donc dans un espace-temps propre, distinct des autres espaces-temps du reste de la Terre, un peu comme cette jeune et jolie jeune femme et moi vivions en face à face des espaces-temps que mon sex-appeal légendaire échouait à connecter.

Je hais les chercheurs, la physique quantique et les mathématiques théoriques.

2 commentaires:

Fantômette a dit…

Le temps est la lumière. Tu es ma lumière il nous reste donc tout le temps. Tu vois que la physique quantique peut se tranformer en poésie....;)

Fabien a dit…

Peut-être faut-il tresser une corde dont l'âme soit lumière, espace et temps, et la gaine complicité pour préserver durablement l'ensemble.