vendredi 17 juillet 2009

La mémoire d'un lieu d'humanité



Il y a des lieux de mémoire. Des lieux auxquels ont veut donner une mémoire. Des mémoires auxquelles on invente des lieux. Des lieux auxquels on confie une mémoire, des mémoires que l'on confie aux lieux.
Certains lieux ont une mémoire artificielle, une mémoire plaquée, une mémoire collée, une mémoire superposée.

D'autres s'imposent avec leur mémoire.

Dans le cas de la "maternité suisse d'Elne", le vide des pièces, le blanc du badigeon, quelques panneaux illustrés de photos d'Elisabeth Eidenbez suffisent à faire vivre la mémoire de cette maternité qu'elle entretint entre 1939 et 1944, sous la IIIe République qui devait gérer l'afflux des réfugiés espagnols de la Retirada, puis sous la France de Vichy qui savait si bien distinguer Français, Juifs, Juifs étrangers, Apatrides et Réfugiés, et enfin sous l'Occupation allemande de la zone sud, occupant qui finit par fermer ce lieu d'humanité en 1944.




597 enfants de 22 nationalités différentes sont nés dans le calme de cette maternité, Elisabeth Eidenbez offrant tout simplement aux femmes enceintes des camps d'Argelès-sur-mer, Saint-Cyprien, Rivesaltes, d'accoucher dignement. Une mémoire bien mince dans une guerre mondiale, une mémoire pleine de trous, puisque les habitants de la région qui virent débarquer ces réfugiés, plus de 400.000 en quelques semaines pour les seules Pyrénées Orientales, eurent tôt fait d'oublier ces camps. On les comprend. Parce que ces réfugiés ont tout fait pour s'intégrer. On les comprend. Cela ne fait que quelques années que cette Retirada, cet exode forcé, a une mémoire. Une courte mémoire.

L'exposition s'ouvre sur un témoignage. Celui d'une réfugiée qui accoucha dans cette maternité. Sur la mémoire des larmes qu'elle versa ce jour là. Tout le monde pensait qu'elle pleurait du bonheur de sa maternité. Alors qu'elle pleurait la mort d'un enfant, mort de faim et de froid, enterré dans le sable de la plage d'Argelès, parce qu'il n'avait pas eu la chance de pouvoir naître et grandir dans cette maternité..

Certains lieux s'imposent par leur mémoire, de celles qui vous sautent au visage.

2 commentaires:

Fantômette a dit…

Une belle leçon d'humanité, vue par le plus humain des hommes que je connaisse.

Fabien a dit…

L'humanité reste un apprentissage sans fin.
Merci.