mercredi 21 octobre 2009

Ce que disent les cartes

Non, rassurez-vous, je ne suis pas chiromancien à mes heures perdues, mais géographe labellisé par l'université française, et donc, souvent, je joue aux cartes.

Ce qu'il y a de génial, quand vous dites que vous êtes prof' d'histoire-géo, c'est d'entendre les autres vous répondre que c'est génial, que vous avez la chance d'enseigner une discipline aussi intéressante, qu'ils adoraient l'histoire, les plus calés d'entre-eux vous citent la nécrologie des rois de France depuis Clovis à Louis XVI, mais que vraiment, vraiment, ils n'aimaient pas la géographie.
Même Fantômette me l'a dit, alors qu'elle est THE spécialiste mondiale des pensées nécrophiles de l'empereur romain Julien l'Apostat.

OK, ok, on ne bouge plus, je vais vous montrer, cartes en main, que la géographie ne sert pas seulement à savoir nommer les sous-préfectures des Deux-Sèvres les yeux bandés, j'en suis proprement incapable, mais que de plus, elle peut avoir un intérêt tout particulier pour l'ensemble des citoyens et de nos décideurs politiques et économiques.

Prenons par exemple une entreprise d'origine américaine que tout être normalement constitué connaît, je parle de Mac Donald. C'est en général la première lettre qu'un enfant reconnaît dans son environnement proche, et même les chiens errants des rues de Moscou reconnaissent les poubelles du Mc Do, alors qu'ils ont appris à lire en cyrillique. Donc.



Dans ce monde merveilleux qui est le nôtre, dominé par le capitalisme triomphant depuis la disparition prématurée de Georges Marchais, le lâche assassinat de Caucescu et le départ en retraite anticipée de Fidel Castro, rares sont les entreprises à donner dans la philanthropie, en dehors de Mickaïl Timofelevitch Kalachnikov qui omit de déposer tout brevet sur son invention au titre du développement des pays frères et sous-développés (voir à ce sujet notre excellent article intitulé Beyrouth-Plage). Mais les politiques savent bien que ces entreprises privées participent elles-aussi à l'aménagement du territoire, au développement du tissu économique et donc d'un lien social fort. Si, si, quand on pense que Nicolas a dû se déplacer jusque dans le 93 pour aller à la rencontre de la "racaille", il lui suffisait d'aller au Mac Do.

Ainsi donc, que cherche Mac Do, en dehors du profit ?
Prenons le planisphère des implantations de ce vendeur de sandwich au bœuf, soja et lombrics.



Que constate-t-on ?
Que les Américains du Nord et les Européens sont de gros mangeurs, alors que les Chinois et surtout les Indiens mangent peu, mais c'est chez eux culturel, et que nos frères d'Afrique semblent s'être convertis au taoïsme le plus intégriste, parce qu'ils ne mangent pas. Ou alors, c'est qu'ils mangent autre chose, ce qui reviendrait à dire que les Africains n'ont aucun goût. Attention, précisons d'emblée que je parle de nos "frères d'Afrique" pour des raisons de censure et d'adaptation au politiquement correct, puisque le mien frère est plutôt de "couleur française" comme dirait J.-F. Copé et qu'il réside à Lyon. Mais il est vrai qu'un peu plus au sud, il y a la ferme aux crocodiles de Montélimar, les flamants roses de Camargue et Marseille. C'est déjà le sud, c'est déjà l'Afrique, mais il y a encore des Mac Do.

Sur ce planisphère dit par "anamorphose", la taille de chaque Etat est proportionnelle à la quantité cartographiée, ici la proportion de personnes qui souffrent de mal-nutrition dans le monde. On constate effectivement une corrélation étroite entre l'implantation mondiale de Mac Do et la proportion de personnes sous-nutries.



Selon la même méthode, le planisphère suivant nous présente le volume d'achats de jouets par Etat.



On constate aisément ici que Mac Do, Ronald Mac Donald et les produits dérivés Disney, Barbie et autres strings Pucca vendus dans les Magic Box participent au développement la richesse de l'imaginaire, et que ce sont les plus gros consommateurs de produits Mac Do qui croient le plus au Père Noël, d'où ces achats massifs de jouets. Et que nos frères d'Afrique, qui croient en n'importe quoi (esprits, ancêtres, mouche-qui-pète...) et délaissent leurs enfants ne leur achètent jamais de jouets, ce qui explique l'incurie culturelle des civilisations africaines.

La carte suivante présente les implantations des restaurants Mac Donald à San Francisco, de part et d'autre du Golden Gate Bridge. Observez la concentration de restaurants au sud du pont et le désert culinaire et gustatif que constituent les quartiers qui se trouvent au nord, de l'autre côté du pont.



Et alors, me direz-vous ?
Regardez la carte suivante, qui présente le nombre de suicides ayant eu lieu sur le Golden Gate Bridge depuis les années 1930.
On constate que les suicides sont moins nombreux parmi ceux qui se dirigent vers le sud et le Mac Do (en haut sur la carte), que parmi ceux qui se dirigent vers le nord (en bas sur la carte), renonçant ainsi à la culture et à la civilisation, et que la plupart de ces désespérés passent à l'acte sans même avoir la force, le courage, de dépasser la moitié du pont.



On peut donc en conclure, en toute honnêteté intellectuelle, que non seulement Mac Do favorise le développement de l'imaginaire chez l'enfant, et que l'adulte qu'il deviendra ensuite continuera à cultiver cet imaginaire devant la télé et chez Disneyland, mais aussi que l'ouverture de restaurants Mac Donald permet un meilleur état sanitaire et moral de la population, moins touchée par la dépression et le suicide.

Revenons maintenant à l'échelle mondiale et à nos frères d'Afrique et autres pays pauvres, ne soyons pas mesquins, nous sommes tous frères, même avec ces gens.
La carte suivante présente, toujours selon la même méthode de représentation par anamorphose, le nombre de personnes malades du Sida dans le monde.



Et alors, hein ?
On peut maintenant en conclure, en toute honnêteté intellectuelle, que non seulement Mac Do favorise le développement de l'imaginaire, qu'il participe au bien-être de l'humanité et à la lutte contre la dépression et le suicide, mais en plus, qu'il protège du Sida.

On se retrouve au Mac Do, pour faire de la géo ?

5 commentaires:

Delphine a dit…

Prochain sujet du café géographique : "la notion de frontière dans les zones du parc Disneyland : entre imaginaire et transgression." Oui, Julien Gracq me hante !

Fantômette a dit…

Je n'ai pas aimé la géographie à la fac, mais pour cause. Fraîchement arrivée en première année, sur les bancs de mon amphi, on me proposait un cours "Qu'est ce que la Géographie?" et ceci 4 heures par semaine pendant une année! Je ne me souviens pas que la réponse ai été claire....je ne savais toujours pas ce qu'etait la géographie...et l'année suivante la suite du module était "application de la démarche géographique à un territoire, le bassin méditerranéen" . N'ayant pas appris la démarche, ne sachant toujours pas ce qu'était la géographie j'abandonnais lâchement la matière aux oubliettes de mon cerveau.
Jusqu'à ce que je découvre les cartes heuristiques!

Fabien a dit…

Delphine, mieux vaut être hanté par Julien Gracq que par Michel Déon ou ou Frédéric Beigbedder !
Ca sous-entend une visite sur le terrain, un week-end à EuroDisney ?
;-(

Fabien a dit…

Je pensais, Fantômette, qu'entre la géo universitaire et les cartes heuristiques, j'avais su te faire apprécier au moins un peu la géo et ce qu'elle peut avoir de vivant.
Bouhhhh, encore une chose que je n'ai pas su faire...

Fantômette a dit…

Mais bien sur tu m'as réconciliée avec la géographie et toi seul!!
En plus maintenant je découvre des outils de géographes qui s'appliquent à la gestion de projet. Ce qui peut retourner la question de départ "Qu'est-ce que la géographie?". En attedant j'adore "Ecrire la terre" avec toi. La parcourir aussi.