jeudi 25 juin 2009

Le cri de l'homme blanc




Omar m'a tuer

Omar est mort. C'est maintenant officiel, le Gabon et la Françafrique pleurent la mort du chef, les crocodiles gonflent les eaux du marigot de leurs larmes, et les financiers des principaux partis politiques français se lamentent de la disparition d'un bienfaiteur si discret et si généreux.
En plus, il est mort à Barcelone en Espagne, pas à Libreville. Tout ça à cause d'un golden boy du Crédit Lyonnais qui lui avait conseillé d'investir sa fortune personnelle et ses avoirs étrangers dans des cliniques privées d'Europe et châteaux en Sologne plutôt que dans des dispensaires de brousse. Le monde est cruel, Omar s'est éteint loin de chez lui, de son pays, de son peuple, des siens et de leurs propriétés. Même son gouvernement n'a pu assister à l'agonie présidentielle et a dû s'en remettre à un rapport médical pour annoncer sa mort.
Quand je pense qu'on m'a conseillé des Sicav équitables pour placer mes droits d'auteur, sérieux, j'hésite. Ai-je vraiment envie de m'éteindre dans une case médicalisée du Mozambique ou de Centrafrique ? Et puis d'abord, mes proches accepteront-ils de faire le trajet pour accompagner mon dernier souffle ? Ne devrai-je pas mieux acheter des parts d'une maison de retraite ou d'une clinique de chirurgie esthétique en Suisse ou à Monaco, si je veux que ces ingrats fassent le déplacement et si je n'ai pas envie de mourir en seule compagnie des mouches dans la forêt tropicale ? Je les connais, ce n'est pas un compte bloqué en Francs CFA qui leur fera faire le voyage de Libreville pour venir verser une larme sur mon linceul.

En même temps, le Gabon mérite qu'on l'aide à se développer.
Comme la France le fait depuis son indépendance.
La preuve, la France est le seul pays à avoir envoyé pas moins de deux présidents pour jeter une poignée de latérite sur le cercueil de feu Omar. Même que le président en exercice s'est montré déçu de l'accueil que lui ont réservé quelques dizaines de Gabonais qui, ne respectant rien pas même le national deuil ni le protocole, s'en sont pris à sa présence et à celle de la France.

N'empêche, comment puis-je faire fructifier mes princiers droits d'auteur tout en participant au développement du Gabon ?

La première solution est d'investir dans l'industrie de l'armement et soutenir les guerres ethniques et fratricides. Sans oublier de s'entourer de conseillers d'état major avisés et de quelques mercenaires au fait des questions africaines. Dieu que je regrette feu mon ami Bob Denard qui savait si bien faire et défaire les gouvernements comoriens par quelques exécutions sommaires bien choisies. Parce qu'en ce domaine, la connaissance du terrain et des mentalités indigènes est fondamentale. Dieu que je regrette que Charles Pasqua soit maintenant si vieux et ses réseaux disparus.
Mon oncle en son temps avait misé toute sa fortune dans un portefeuille d'actions discrètement acquis auprès de la Direction Générale de l'Armement sur les conseils d'un lieutenant-colonel qui lui fut présenté par Monsieur Afrique de chez Total en 1994 quelques semaines avant le déclenchement des massacres du Rwanda et du Burundi. Et tonton fut ruiné, par la faute de cet officier qui, méconnaissant les mentalités indigènes, pensait que les massacres se feraient à coups de Kalachnikov sous licence et d'hélicoptères Gazelle réformés de l'armée de Terre française, et non à coups de vulgaires machettes de piètre qualité importées à moindre coût de Chine et du Cambodge.
Le problème est donc que les Africains ne respectent rien, pas même les règles pourtant si belles de la guerre, et que j'hésite, pour investir, entre Dassault et Téfal.

Une autre solution, proche en fait de la première, est d'investir dans quelque société minière d'Afrique équatoriale, après s'être assuré de l'armement d'une milice locale au préalable approvisionnée en chanvre indien et de la fidélité de quelques membres du gouvernement à l'aide de quelques cadeaux intelligemment dispensés. Le Gabon, de ce point de vue, c'est l'Eldorado vu par Cortes, la Californie des chercheurs d'or, la bulle financière inespérée : uranium, or, diamants, , pétrole, coltan... Avec de plus l'espoir, comme Giscard en son temps, d'un retour sur investissement en nature, genre partie de chasse au gros, parties fines et diamants en gros. Pas de problèmes de main d'œuvre, le syndicalisme gabonais n'est pas des plus revendicatifs, pas de RTT puisqu'une montre est un signe de richesse qu'on masque au regard de ses voisins, pas de discussions sans fin sur la diversité des menus de la cantine, une carcasse de machine à café suffit, faute d'électricité, à donner à une case l'aspect d'un siège social, des parents peu regardants sur le travail des enfants qui seraient prêts à vendre leurs parents pour un sac de riz...
Sauf que le statut juridique des sociétés commerciales est des plus flous en Afrique, que le continent noir sert au blanchiment des capitaux qui les alimentent, et que ces sociétés ont rarement pignon sur rue et boite postale à la bourse de New York ou de Tokyo.

Une troisième solution, bien plus sûre et rémunératrice est l'achat d'actions du FMI. Un placement de père de famille. Une rentabilité sans faille, une rente à vie : le prêt aux pays en voie de développement. L'astuce est, périodiquement, d'effacer une partie de la dette de ces pays, de préférence les plus anciennes, celles pour lesquelles ils ont déjà remboursé les intérêts. Il suffit ensuite de leur proposer de nouveaux prêts, mais à des conditions bien plus strictes et rigoureuses, et... bien plus rentables, genre parts de marché, abandon de l'embryon de politique sociale existant, conversion au libéralisme à outrance et inflation galopante que la population ne peut supporter. Un système génial, la pierre philosophale de la finance, même les plus grands alchimistes n'auraient pas osé y pensé.
Sauf que je me suis renseigné, et que les actions et parts sociales du FMI sont réservées aux Etats les plus riches, et non aux petits porteurs. A moins de faire partie des VIP de Davos, on ne joue pas.

2 commentaires:

Tatiana a dit…

La photo est superbe !

Fabien a dit…

L'est joli, ce tag.